Retour au numéro
Vue 102 fois
09 mai 2023

« Garantir la sécurité alimentaire, sans mobiliser des technologies trop voraces »

Président de l’Icam Lille, dont il est diplômé en 1986, Christophe Lescroart est le directeur Agriculture & Industrie de Tereos, groupe coopératif agro-industriel pour lequel il pilote 27 sites en Europe.


Toute ta carrière s’est déroulée dans l’industrie agroalimentaire. Pourquoi cela ?

Issu d’une famille liée au monde agricole, j’ai un lien particulier au milieu rural au sens large. Travailler dans la transformation des ressources de la terre, pour servir le bien commun, correspondait à mon système de valeurs. Cette culture, amendée des sciences de l’ingénieur ICAM, j’ai ensuite eu la chance de l’enrichir en occupant des postes techniques ou opérationnels en Chine, aux Etats-Unis, à travers l’Europe…

Et quel regard portes-tu sur cette filière ?

Ayant, par exemple, connu des ranchs avec 60 000 bêtes à cornes, aux Etats-Unis, j’ai pu observer les excès de l’agriculture industrialisée et massifiée à l’extrême. J’ai aussi constaté comment les enjeux de sécurité alimentaire ont entraîné des effets positifs et parfois d’autres plus questionnables. Il y a 30 ans, nous analysions des traces de substances au milligramme, il y a 20 ans en ppm, il y a 10 ans en ppb, avant d’en mesurer… l’absence ! Certes, connaître de façon précise les constituants des aliments, c’est un vrai progrès. Mais des produits « historiques », dont beaucoup avaient prouvé leur qualité « saine, loyale et marchande », font aujourd’hui l’objet de rappels massifs. C’est un gâchis phénoménal à l’échelle d’une planète qui connaît encore la famine. Que dire aussi de l’empreinte environnementale de l’agro-alimentaire à travers les consommations d’eau, d’ingrédients et d’énergie pour rendre nos aliments toujours plus purs, plus « propres » et « faciles à consommer ? » Deux tendances lourdes s’opposent : d’un côté, toujours plus de sécurité alimentaire, de l’autre, souvent des technologies plus coûteuses et trop voraces. Être confronté à ces deux exigences est un défi pour l’ingénieur ! On retrouve également un hiatus dans le regard que porte le citoyen européen sur l’agriculture.

Lequel ?

Beaucoup souhaiteraient revenir aux fermes « jardins » de petite taille, peu mécanisées et sans pesticides. Mais personne ne mesure le prix à payer en termes d’efficacité agricole et en impact sur le coût de notre alimentation : sans une large main d’œuvre, de telles structures sauront-elles être suffisamment productives pour nourrir toutes les bouches en Europe ? Pour l’heure, ce débat n’est pas digne d’intérêt dans notre société. En attendant, à l’aune des enjeux climatiques et de la préservation de la biodiversité à grande échelle, on observe le retour en force de cette valeur intrinsèque du travail de l’agriculteur, à savoir l’entretien obstiné de sa terre.

Articles liés par des tags

Commentaires

Aucun commentaire

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.